Avoir un TDAH et être une femme cis
Quand j'ai régulièrement mes phases d'hyper-fixations obsessionnelles, j'ai honte.
Honte parce que ça déborde. Ce sont des centres d'intérêts spécifiques qui prennent une telle place que j'en parle pendant des heures à qui veut bien l'entendre.
Mes centres d'intérêts spécifiques sont peu nombreux mais je me plonge volontiers dedans avec un plaisir gourmand. C'est comme s'ils faisaient partie intégrante de mon identité. La seule chose qu'ils disent de moi, c'est qu'ils mettent tous en avant ce besoin de connexion émotionnelle unique avec les gens. Le besoin de les comprendre et créer du lien avec une authenticité quasi improbable à trouver.
On m'a toujours répété que j'étais trop, et pour les quelques fois où je laisse déborder mes émotions et où je pars dans un oversharing que je ne maitrise pas, je vois bien que ça fout la trouille. Parce qu'on se sent étouffé·e par les débordements d'une personne qui a trop à raconter. Je le vois bien dans les pavés que je peux écrire sur les messageries aux quelques personnes avec qui je me permets ces débordements. Certaines ont intégré que cela faisait partie de ma façon d'être. D'autres me rappellent que "oula, ça fait beaucoup". En soi, ça n'est pas une critique, c'est juste un constat. Mais le constat peut parfois faire du mal. C'est comme ça.
Il y a un fait à prendre en compte. Je suis une femme. On ne tolère que peu les débordements émotionnels et les loghorrées quand ils viennent des femmes.
Figurez-vous, que dernièrement, j'ai lu par hasard quelques petites anecdotes sur les comportements des rockstars dans les années 80. Un membre d'un groupe connu avait pour habitude, lors de ses tournées, de détruire chaque chambre d'hôtel, jusqu'à balancer les télés par la fenêtre. Personne n'a dit de lui que c'était un "hystérique", ou quelqu'un de malade. C'est glamourisé. Mais si ça avait une femme, la critique aurait été toute autre.
Avoir un TDAH et être une femme cis, c'est la triple peine.
Dans notre société patriarcale, l'émotion est féminisée et décrétée comme une faiblesse.
N'est-ce pas d'ailleurs un certain Charlie qui disait que l'empathie est une faiblesse ? C'est parfois même vu comme étant puéril. Une femme qui s’indigne, qui élève la voix, qui a de la répartie,
devient immédiatement « malade ». Alors imaginez ce que ça donne quand,
en plus, un trouble neurodéveloppemental vient saboter la régulation
émotionnelle. Triple peine.
Être une femme avec un TDAH, c’est aussi intégrer le validisme à un tel point qu’il reste intériorisé même après un diagnostic, même après tous les faits scientifiques lus et relus. On doute encore et toujours. Pourquoi ? Parce qu’une individualité qui grandit ne pèse pas lourd face à un collectif massif qui refuse de bouger.
Alors, on fait quoi ? Peut-être commencer par rassembler ces individualités, pour qu’ensemble elles forment un bloc. Parce que si les personnes neuroatypiques, comme toutes les autres non-privilégiées doivent lutter sans cesse, il y a au moins une chose qu’on ne pourra jamais leur retirer : leur courage et leur ténacité.
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